Le carnaval guadeloupéen:défoulement et dérision
( sé kannaval ki ka rivé,toùt moun an lari-la...)

Le carnaval guadeloupéen a toujours été placé sous le double signe de la fête et de la satire. Longtemps considéré comme un milieu caractérisé par l'anarchie, il a vu dans les années 1980 son organisation structurée.La fédération du carnaval et des fêtes de la Guadeloupe ainsi que la fédération guadeloupéenne du carnaval, de l'UBERC, le groupement pour la culture et le carnaval de la région pointoise ont vu le jour.

L'histoire du carnaval

Au commencement, le carnaval (kannaval en créole) n'était qu'une modeste fête populaire que célébraient les catholiques italiens avant l'austérité du carême. La tradition du carême bannissant toute alimentation carnée et graisseuse, les italiens baptisèrent leur fête "carnelevare" qui signifie "enlever la viande". Compte tenu du succès grandissant de ces "carnelevares", d'autres pays catholiques d'Europe (la France, l'Espagne, le Portugal) ont décidé d'adopter la même pratique.
Sous l'effet de la colonisation des Amériques et d'autres régions dans le monde, le carnaval se propagea notamment aux Antilles. En Guadeloupe où seuls les colons pouvaient fêter le carnaval au début de la colonisation, les esclaves africains apportèrent par la suite leur touche culturelle à cette fête d'origine européenne (les tambours, les masques, les chants,etc). Les esclaves voyaient en cette fête une occasion inespérée de se défouler mais aussi de tourner en dérision par les déguisements notamment leurs maîtres dominateurs.
Idée de dérision qui sera reprise dans les années 80 par le groupe "akiyo" qui n'hésita pas à endosser la couleur kaki et le casque coloniaux, symboles de l'oppression coloniale. Le préfet de l'époque se souleva contre cette pratique "irrespecteuse". Il n'était pas rare de voir les esclaves en possession de fouets, manifestation de la domination des colons.
En somme, le carnaval a toujours été considéré comme un exutoire et comme un moyen de dérision.

Les préparatifs du carnaval

En Guadeloupe les festivités carnavalesques débutent véritablement au mois de janvier après l'Epiphanie. Avant les jours gras, on assiste à de très nombreux défilés (des groupes, de masques, de la population et des scolaires, etc) en particulier chaque dimanche. Ces défilés de masques constituent pour certains jeunes, un moyen de se faire de l'argent après avoir dansé et chanté de porte à porte ou arrêtant les automobilistes le dimanche matin notamment.
Les villes de Pointe-à-Pitre et de Basse-Terre constituent les principaux centres d'attraction. Il convient de mentionner de nombreux concours (du roi et de la reine du carnaval, du meilleur groupe, de la meilleure musique, du meilleur costume, etc) à Pointe-à-Pitre. La reine trônera en tête des défilés tout au long des jours des jours gras.
La musique des défilés est assez spéciale. Elle est produite à partir d'objets de récupération divers (bouteilles, bidons de viande salée en plastique de taille différente frappés avec un bâton à l'extrémité rembourrée de tissu et de caoutchouc, calebasse pour le "chacha" garnie de graines de réglisse, bois-bambou, conques de lambi, etc), de sifflets, le Tiyobanbou (tuyau de bambou), Siyak Tanbouras (tambour plat et rond).
Les réveils en pijama et les retraites aux flambeaux le soir à la lumière des "chaltouné" et au son des tambours constituent deux autres pratiques fortes du carnaval Guadeloupéen.

Des masques éffrayants

Les masques sont omniprésents surtout les dimanches ou lors des nombreux défilés.
Le terme "masque" désigne à la fois l'élément matériel mais aussi la personne qui porte le masque. Ici encore, l'aspect "dérision" au coeur du carnaval guadeloupéen reste omniprésent. C'est ainsi qu'on peut voir des masques de certaines personnalités publiques ( messieurs Mittérrand, Chirac, Giscard D'Estaing,etc).Par ailleurs, nombreux sont les enfants qui se déguisent et viennent danser, chanter devant les maisons ou dans les rues en arrêtant les automobilistes afin de récolter un peu d'argent. Parmi les masques les plus en vogue citons le Mass A con'n dont le costume est fait de feuilles de bananier séchées. Il est retenu par une corde ou par une chaîne et tente par tous les moyens de s'échapper. Autres masques redoutés : les "Mas A kongo", les "Mass a kinnkong", les "mas a lanmò" qui le soir venu au son des tambours, enveloppés dans de grands draps blancs et munis d'épingles pourchassent tous les individus encore dehors.

Les groupes carnavalesques

Traditionnellement, les groupes carnavalesques sont classés selon leur système de musique en trois catégorie :
-Les groupes à cuivre (ex.Waka).Ces groupes utilisent des instruments fabriqués de manière artisanale (exemples :caisses claires, gros tambours en plastique, conques de lambi, chachas,etc).
-Les groupes à peau (ex. Akiyo). Ce sont des groupes traditionnels indépendants.Ils utilisent de petits tambours couverts de peau d'animal,(ex.cabri), des fouets et d'autres instruments traditionnels.
-Les groupes de synthétiseurs (ex.Volcan).Ces groupes existent depuis dix ans.En plus des instruments traditionnels, ils ont recours aux instruments plus modernes (ex.synthétiseurs, basses, micros...).Par ailleurs citons les groupes :kontak, nou mèm de Pointe-Noire, mango dlo de Basse-Terre, 50/50 du carénage,etc.

Présentation de quelques-uns de ces groupes :

Akiyo : un mouvement culturel très actif

C'est le groupe carnavalesque le plus populaire de la Guadeloupe et des antilles. Akiyo fondé en 1988, s est positionné d'emblée sur un terrain militant et de résistance culturelle. En effet, il reprend à son compte la musique des laissés-pour-compte de la société (musique Mass à Saint Jean). De plus, ce groupe n'a pas cessé de dénoncer la répression, le malaise social, le colonialisme, les guerres et les essais nucléaires.Dans les années 80, période d'arrestations des indépendantistes guadeloupéens le groupe fut accusé d'être un bastion de terroristes. En 1985, la décison du préfet de l'époque d'interdire ce groupe entraina la descente dans les rues de plus de 8 000 personnes. Sur le pur plan du carnaval, ce groupe a remporté de nombreux concours et est incontestablement un puissant vecteur de diffusion mondiale de cette forme de musique de par notamment les nombreux albums et concert qu'il met en place. Dernier exemple en date sa présence remarquée le 20 janvier 2002 au théatre de l'Odéon à Paris dans le cadre de "identité caraïbe".

Kasika : spécialiste du carnaval et de la noël

Kasika est une association culturelle déclarée en 1988 et dont le siège se situe dans la section de Fonds-cacao à Capesterre belle-eau.
En dehors de ses nombreuses autres activités culturelles, kasika possède une section carnaval. Cette dernière comprend 150 personnes, musiciens et danseurs. Ce groupe connu au travers de son fer de lance Benzo (moïse Benjamin) a remporté de nombreux prix carnavalesques. Citons celui du meilleur groupe de la Guadeloupe au plus grand concours organisé à Basse-Terre pour le Mardi Gras en 2000 (le MASTER MAGISTER 2000) et 2 ème en 2001. Ce groupe possède aussi un site web : kasika.com

Le groupe Matamba de Saint-François

Bien que participant aux défilés depuis 1980, le groupe Matamba devient une association loi 1901 en 1982. La spécificité de ce groupe les défilés à pied. Composé d'une centaine de membres, Matamba possède un palmarès actif. 1995: 1er prix de musique et 2ème groupe à pied au concours de Pointe-à-Pitre. 1996:1er prix au concours de Sainte-Rose organisé par le groupe Van lévé; 1er prix au concours du Lamentin ; 1er prix du Moule ; 3eme prix de musique au concours de Pointe-à-Pitre; 5em prix au concours de groupe à pied de Pointe-à-Pitre.

Le groupe waka

Ce groupe compte plus de 17 ans d'existence et 250 membres.
Vainqueur des Masques d'or en 2001. Son premier album s'appelle "MIZIK'AVAN". Compilation de musique de Noël, de carnaval et de gwo ka.

Le groupe voukoum de Basse-Terre
Gran voukoum kiltirel an vil Baste

Voukoum est un mouvement culturel travaiLlant pour la sauvegarde du patrimoine culturel guadeloupéen. Sur le carnaval , le groupe fait des recherches sur les masques traditionnels et retour à la musique ancestrale " MIZIK A MAS GRO SIWO".

Les jours gras

Le carnaval grimpe en intensité durant les jours gras (lundi et mardi gras et le mercredi des cendres).
Le lundi gras est consacré aux mariages burlesques. Des couples suivis d'un long cortège se présentent devant le prête et l'officier d'état civil. L'homme est déguisé en femme et la femme est costumée en homme. Ces mariages assez droles déclenclent la joie du public et traduisent le double aspect de fête et de satire qui
Le mardi gras représente le point culminant du carnaval tant au niveau musical, des déguisements, de l'originalité. Les réjouissances sont ouvertes par la reine du carnaval. Les concours sont nombreux (meilleur groupe, meilleur costume,etc).
Le mardi gras, les petits diables rouges embrasent les rues bondées de
Pointe-à-Pitre et Basse-Terre. .
Autre attraction, le Neg Gwo siro, figure emblématique du carnaval guadeloupéen.Le mardi gras précède le carême période d'abstinence alimentaire. On se prive de la viande, des graisses et des oeufs. La spécialité culinaire du mardi gras est la consommation des beignets. Recette des beignets.
Le
lendemain, le mercredi des cendres la foule travestie en noir et blanc en signe de deuil, brûle l'effigie du roi Vaval dans un déferlement de danses et de chansons.Dans ma commune Pointe-Noire, située en Basse-Terre, rien n'est laissé au hasard pour brûler "vaval" : un prêtre, des sœurs, des fidèles éplorés au corps couverts de farine. Le parking municipal servant de lieu d'inhumation de sa majesté "vaval". vaval est la proie des flammes devant une foule triste chantant "vaval, vaval, vaval ka kité nou, malgré la vi la rèd, vaval ka kité nou"

La mi-carême

Heureusement, la mi-carême à mi-temps entre le carnaval et pâques, les célébrations carnavalesques reprennent vie pendant un jour. Journée des diables rouges et noirs, tout le monde s'habille ainsi pour marquer la résurrection de vaval.

Glossaire du kannaval guadeloupéen

[mardis gras] [mi-carême] [nègre gwo siro]

[mariages burlesques] [vaval] [mercredi des cendres]

 

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